Libertarisme : de gauche ou de droite ?
Paris,
MSE, 3 juillet 2008
Résumés des contributions
Résumé
L’expression « libertarisme de gauche » est peu usitée en
français. Elle est, en réalité, la traduction française du terme anglais
« Left-Libertarianism » qui désigne un
courant de pensée anglo-saxon.
Ce courant repose sur deux postulats : d’une part, chaque
individu a la pleine propriété de soi (c’est-à-dire de son corps, de son esprit
et des fruits de son travail) ; d’autre part, chaque individu a un droit
égal d’accès aux ressources naturelles. Le premier postulat est partagé par
l’ensemble des libertariens qu’ils soient de gauche
ou de droite. En revanche, le second qui revient à affirmer que personne n’a le
droit d’accéder à une plus grande part des ressources naturelles est uniquement
soutenu par les libertariens de gauche. Rechercher
les racines de ce courant de pensée libérale ouvert à une certaine forme
d’égalitarisme nécessite de retourner au fondement de la pensée libérale
elle-même. C’est pourquoi, P. Vallentyne (2000, p.1)
indique que les théories libertariennes de gauche ont
plus de deux siècles et qu’elles incluent ainsi des théories du XVIIe
siècle comme celles de Grotius, Pufendorf ou encore Locke.
J’essayerai donc de retracer la genèse et le développement de cette
pensée libérale qui reconnaît à tous les individus les mêmes droits quant à la
propriété du monde. Ce faisant, je montrerai que, dès le départ, ces penseurs
libéraux sont confrontés à la question de l’égal accès aux ressources
naturelles, qui peut être interprétée différemment : soit, les ressources
naturelles sont la propriété conjointe des membres de la société ; soit,
elles peuvent être appropriées par les individus contre compensation, notamment
monétaire.
Résumé
Cette communication vise à offrir une carte permettant de
s’orienter dans la galaxie libertarienne. Après avoir
repéré les différents fondements moraux (déontologique, conséquentialiste,
éthique de la vertu) du libertarianisme, elle explore
la variété des horizons d’attente auxquels les libertariens
destinent la société, en empruntant avec eux le chemin théorique menant de
l’anarchie, que certains souhaitent, au Léviathan, qu’ils condamnent en chœur.
En contrebande, cette communication a aussi pour ambition de congédier une
définition étriquée de la pensée libertarienne, calquée
sur la seule considération de la version qu’en a donné Robert Nozick, et qui identifie le libertarianisme
à une théorie déontologique et jusnaturaliste visant
à défendre un droit de propriété sur soi. Cette condition n’est en effet ni
nécessaire – il existe des versions conséquentialistes
du libertarianisme – ni même suffisante – certains libertariens de gauche usurperaient peut-être leur titre.
Abstract
This communication aims at offering
a map to give directions on the libertarian galaxy. First, it investigates the
diverse normative orientations (consequentialist,
deontological, and virtue-ethical) of libertarian thought. Secondly, it
explores the various visions of society that emerge from this theoretical
multiplicity, from the anarcho-capitalist utopia to
the classical liberal society. Its ambition is therefore to denounce the narrow
definition of libertarianism as a deontological defence of the self-ownership
principle. This condition is neither necessary – there are consequentialist
versions of libertarianism – nor sufficient – some left-libertarians may usurp
their title.
Résumé
Dans le contexte américain, "libertarian" qualifie aussi bien depuis 1947 (Leonard
Read) des "classical liberals"
(Hayek, M. Friedman) que des anarcho-capitalistes (Rothbard,
D. Friedman), des minarchistes (Rand, Nozick) ou des "libertarian
conservatives" (F. Meyer, Goldwater, Ch. Murray)
- par opposition aux "liberals" situés à
gauche qui ont depuis 1930 capturé le label "liberalism":
il est donc d'abord problématique de réduire, dans une perspective de
transposition française, le libertarianisme à la
seule version anarcho-capitaliste. D'autre
part, et toujours dans cette même perspective, faire du libertarianisme
le rameau de droite d'un libertarisme plus global est lexicalement et
idéologiquement loin d'aller de soi: trop de divergences en matière
d'individualisme radical et de propriétarisme séparent libertariens
et libertaires.
Abstract
According to classic ("Right") Libertarianism,
taxes or penalties for anything except use of violence or fraud against others
are wrong. "Left" libertarians claim that ownership of natural
resources is a special case, however: appropriation of such resources by
private persons is wrong, they say, because natural resources intrinsically are
the property of mankind in common. I analyze the notion of property, arguing
that property is a straight deduction from liberty. Libertarians can't allow
ownership not based either on a genetic basis ("self-ownership") or
gift, exchange, or self-exertion in relation to whatever the individual is able
to work on. Thus there can be no "commons" ownership, and there is no
difference, in principle, between natural resources or any other ownable things. Either taxes of all the usual sorts are
allowable, or (as I prefer to think) none are, but there is no reason to make a
principled distinction between the two sorts of things.
Abstract:
Libertarianism
holds that agents initially fully own themselves. Lockean
libertarianism further holds that agents have the moral power to acquire
private property in external things as long as a Lockean
Proviso—requiring that “enough and as good” be left for others—is satisfied. Radical
right-libertarianism, on the other hand, holds that satisfaction of a Lockean Proviso is not necessary for the appropriation of unowned things. This is sometimes defended on the ground that
the initial status of external resources as unowned
precludes any role for a Lockean Proviso. I shall
show that this is a bad argument.
Résumé
L’économie
du bien-être parétienne souffre de graves défauts logiques qui proviennent de
(1) la définition de l’ensemble des individus concernés, (2) la partie de leurs
préférences qui doit être prise en compte et (3) l’information qui est supposée
disponible sur ces préférences. J’ai déjà eu l’occasion de montrer qu’une
théorie plus cohérente était concevable en retenant un principe déontologique
de type libertarien courant à la place des fondements
utilitaristes habituels de l’économie normative tout en préservant l’essentiel
des avantages de leur caractère conséquentialiste. Je
soutiens ici la thèse que le libertarisme de gauche pourrait permettre
de mieux remédier aux incohérences de l’économie du bien-être que le
libertarisme de droite dans la perspective duquel je m’étais
antérieurement situé.
Abstract
How left-libertarianism
can help to make
welfare economics more
coherent
Paretian welfare
economics is seriously marred by logical flaws arising from (1) the definition of
the set of agents whose preferences ought to be taken into account, (2) the
part of their preferences that is deemed normatively relevant, and (3) the
information that is supposed to be available about these preferences. I have
already shown that a more coherent theory can be built up by substituting a
standard libertarian deontological principle for the usual utilitarian
foundations of normative economics while preserving their more interesting consequentialist implications. Here I defend the view that left-libertarianism
could provide a better way of remedying the logical deficiencies of welfare
economics than the right- libertarian stance that I had previously
adopted.
·
Nicola Riva: Real-Libertarianism: Between Fairness and
Solidarity
Résumé
Selon
le réel-libertarianisme la justice consiste dans la
promotion de la liberté réelle des individu(e)s. Les réel-libertarianistes soutiennent que la liberté réelle
pour tous/toutes doit être poursuivie en assurant de façon inconditionnelle à
chaque membre de plein droit de la société, une allocation universelle ou un
capital initial. On va soutenir que le réel-libertarianisme
mélange dans la notion de justice une idée de équité et une idée de solidarité
que il faudrait mieux distinguer: elles ont une force différente et entrent
dans le processus politique à différents niveaux. Les implications
institutionnelles de cette distinction seront examinées.
Abstract
According to Real-Libertarianism justice requires the promotion of individual real freedom. Real-Libertarians
assume that individual real freedom should be promoted by granting
unconditionally to each full member of society a Basic Income or a Stakeholder
Grant. It will be argued that real-libertarianism mixes together within the
notion of justice an idea of fairness and an idea of solidarity that should be
kept distinct: they have different force and should enter the political process
at different stages. The institutional
implications of this distinction will
be considered.
·
Axel Gosseries : The Minimal Firm
Abstract
The aim of this paper is to look at the
arguments invoked by libertarians in defence of the "minimal state"
and to see whether the very same arguments are used by libertarians in defence
of the idea of "minimal firms". The goal is to check whether the
arguments against minimal state defenders (minarchism)
cannot also be used against the sister idea of "minimal firm".
·
François Facchini : Propriété
des ressources du monde
Résumé
A la lecture de quelques arguments libertarien de gauche sur la propriété des
ressources du monde cette communication soutient que le libertarianisme
de gauche -1- a le tort d’adopter
une forme plus ou moins renouvelée de positivisme critique qui mélange les
dimensions positives et normatives de l’analyse, -2- sous estime la justesse du
principe d’occupation et l’apport de la théorie subjective de la valeur à la
théorie de la justice et plus particulièrement des ressources naturelles et -3-
invente un modèle société qui a peu de chance de réaliser la liberté réelle et
reste globalement liberticide.
·
Laurent Carnis : Property, Theft and Restitution
Abstract
Property right is a chore
concept for understanding libertarianism. It is also very important to define a
consistent theory of justice. This contribution rests upon the theory of
property rights defended by Murray Rothbard. It
recalls the source of such property rights and the implications for
understanding crime. Criminal activity is then considered as a physical
invasion of legitimate property rights. Two important categories of crime are
distinguished: private criminal activity and public criminal activity.
The contribution deals
also with the objective of justice : to make the
victim whole. I defend here a restorative approach of justice. A special
application can be done for the privatization of road network, criminal
activity in general and land theft. Some implications for public policy and the
role of government can be deduced.
·
Speranta Dumitru : Immigration et autres raisons pour ne
pas tout privatiser
Résumé
La
question de la propriété des ressources naturelles constitue le sujet de
divergence non seulement entre les libertariens de
gauche et de droite, mais aussi entre les libertariens
de gauche eux-mêmes. Cependant, ce débat est trompeur. D’une part, une telle
insistance sur la propriété des terres fait du libertarisme une doctrine
démodée, adaptée davantage à une société agraire qu’à une économie basée sur
les biens non exclusifs. D’autre part, la privatisation de l’ensemble des
terres, qu’elle soit égalitaire ou non, conduit à une forme de tragédie des
anti-communs et s’avère inefficace en termes de liberté. En remettant la liberté
d’association au centre du libertarisme et en défendant une propriété publique
des terres qui maximise cette liberté, ce papier fait place à un droit à la
mobilité.
Abstract
How natural
resources should be owned is then main source of disagreement not only between
left and right libertarians but also among left-libertarians. Still, so centred
and put in these terms, the debate is misguided. On the one hand, a
disagreement centred on land’s ownership makes libertarianism an
old-fashioned doctrine, adapted more to agrarian
societies than to economies based on non-excludable goods. On the other hand,
the idea that all the land should be privately owned, whether in an
egalitarian way or not, is vulnerable to the tragedy of anti-commons objection
and thus inefficient in terms of liberty. The aim of this paper is to defend a
right to mobility by putting the freedom of association at the center of libertarianism through a scheme of public use of
land, which maximises this freedom.
·
Raul Magni Berton : Le foetus et la propriété du sperme
Résumé
Parmi les postulats libertariens il y a celui selon lequel toute chose connue est la propriété de quelqu'un et qu'il existe une procédure pour déterminer à qui elle est. Cette procédure, néanmoins, n'est pas mécanique et il existe des cas litigieux dans lesquels il est difficile de déterminer le propriétaire. Tel est le cas du sperme au moment où il se trouve projeté dans le corps d'une femme. Cette communication analyse différentes procédures d'attribution du droit de propriété du sperme et en tire les conséquences concernant le droit de la famille, et en particulier l'acquisition de la « paternité ».